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le mélange des langues

d’une langue ; il peut y avoir un nombre plus ou moins grand d’emprunts, et ces emprunts peuvent occasionner certains procédés nouveaux de formation des mots ; la tradition peut être du type courant : transmission de la langue des anciens aux jeunes, ou résulter d’un changement de langue : apprentissage d’une langue de communication par une population qui abandonne finalement son idiome propre. Mais il y a tradition une pour le système morphologique.


Néanmoins on ne saurait affirmer que, dans certains cas favorables, il n’y ait pas eu des « mélanges » véritables. Le jour où l’on viendrait à les rencontrer, la tâche du linguiste serait malaisée. Si l’on a pu arriver à faire, par la comparaison, l’histoire de quelques langues, c’est que l’on était sûr que chaque système nouveau devait s’expliquer en partant d’un système unique. Au cas où l’on devrait faire état de deux systèmes initiaux et de réactions de l’un sur l’autre, les méthodes actuelles ne suffiraient pas. Car le droit qu’on aurait de choisir entre deux séries de formes originelles causerait un tel arbitraire que toute démonstration deviendrait presque irréalisable. Malgré les hypothèses faites en ce sens, les linguistes ne se sont par bonheur jamais jusqu’ici trouvés de manière sûre devant pareille difficulté. Pour en triompher, la linguistique devra, si la difficulté vient à se rencontrer vraiment, élaborer de nouvelles méthodes, plus délicates que celles qui sont décrites ici, et il resterait à les éprouver.