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extension d’une langue générale

Ceci peut aller loin. L’italien général est fondé sur l’usage toscan ; mais la prononciation n’admet pas les particularités toscanes, et l’on enseigne volontiers que l’italien général est une lingua toscana in bocca romana. L’anglais général repose sur l’usage de Londres ; mais placé au point de rencontre de dialectes divers, Londres a dans son parler des traits qui proviennent de régions différentes. Ainsi les langues générales, par le fait qu’elles se sont fixées pour répondre aux besoins d’hommes dont les origines sont différentes, ne reposent pas sur une tradition une, même dans les cas les plus favorables.

Il peut même y avoir de l’artifice dans la manière dont se constituent les langues générales. Ainsi le grammairien Vuk qui a donné au serbo-croate écrit sa forme, s’est fondé sur les parlers d’une région serbo-croate ou l’ancien x (h) était amui ; et il avait commencé par fixer la langue sans h. Après réflexion, il lui a paru bon de tenir compte des parlers, de type plus archaïque, où h s’était conservé. La langue qu’il a fixée s’est trouvée ainsi être composite. Et, comme les sujets appartenant à des régions où h avait disparu avaient peine à prononcer h, il y a sur ce point un flottement dans l’usage serbo-croate général et beaucoup de trouble.


L’extension d’une langue générale n’est pas limitée aux cas où les parlers locaux appartiennent au même type linguistique que cette langue générale et ont une même origine. Quand la langue générale est nettement différente des parlers locaux, les faits se présentent d’une manière autre que dans le cas étudié ; mais le développement est semblable à plusieurs égards.

D’une part, la langue indigène à laquelle se superpose