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extension d’une langue générale

drie, et elle a entraîné l’hellénisation de petites couches de dirigeants ; mais le fond de la population est demeuré le même, même en tenant compte des émigrants venus de Syrie. — Sur le territoire de la France actuelle, le gaulois a dû arriver avec la conquête celtique, durant la première moitié du millénaire qui a précédé l’ère chrétienne ; puis il a cédé la place au latin après la conquête romaine ; la conquête gauloise ne paraît pas avoir renouvelé la population, et la conquête romaine n’a sûrement apporté que peu d’éléments nouveaux. — Il serait aisé de multiplier les exemples : il intervient souvent des changements de langue. Il importe d’examiner en quelles conditions se font ces changements et quels en sont les effets.


Le cas le plus facile à observer est celui qui se rencontre actuellement presque partout en Europe. Dans chaque région, il y a un groupe de parlers locaux de même famille et une langue écrite, langue de civilisation qui sert à tous les usages généraux, aux relations avec l’ensemble du pays et qui est la langue du gouvernement, de l’école, des administrations, de la presse, etc. En pareil cas, la langue écrite a sur les parlers locaux une forte influence.

Alors il se produit deux mouvements de sens divers et qui aboutissent à un même résultat final.

Le parler local s’emplit d’éléments empruntés à la langue générale, qui seule est en mesure de répondre aux besoins nouveaux de la civilisation et dont le prestige est grand par rapport au parler local : c’est la langue des gens les plus puissants et les plus cultivés. En étudiant les parlers locaux de la Gaule romane,