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VII.

LA NOTION DE LANGUE MIXTE.


Durant longtemps, la linguistique historique a opéré avec l’hypothèse tacitement acceptée que la langue se transmet de génération en génération, chaque enfant reproduisant de son mieux le parler de son entourage. Tel est le cas qui semble normal et qu’on observe souvent en effet.

Mais il arrive qu’une population change de langue. Ce n’est pas un fait exceptionnel : parmi les pays dont l’histoire est connue — et l’on sait que nulle part, dans le cas le plus favorable, l’histoire faite au moyen de textes ne remonte au delà de cinq mille ans environ, période courte par rapport au développement total de l’humanité —, il n’y a presque pas un peuple qui n’ait changé de langue au moins une fois, et généralement plus d’une fois.

De tous les pays, l’Égypte est celui dont l’histoire remonte le plus haut et où il y a le plus de conservation ; or, après avoir persisté durant environ quatre mille ans de période historique, l’égyptien est sorti de l’usage et a été remplacé par l’arabe, sans que le fond de la population ait sensiblement changé ; la conquête macédonienne a amené une colonie grecque, surtout à Alexan-