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la géographie linguistique

nom le « chat » et le « coq » ; le nom du « coq » a disparu. Et la langue s’est tirée d’affaire par des artifices visibles. Quand une notion vient à être indiquée par des procédés aussi singuliers, c’est en général qu’un nom ancien, exclu pour une raison ou pour une autre (les causes sont diverses), a dû être remplacé ; la fantaisie des sujets parlants se donne cours en pareil cas.

Partout où l’on a pu appliquer la méthode géographique, elle a donné lieu à des progrès décisifs. Elle exige des enquêtes aussi étendues qu’il est possible et l’utilisation de toutes les données qu’on possède sur l’ensemble d’un domaine linguistique. La méthode comparative gagne par là une précision, une étendue et une aisance jusqu’alors imprévues.

Et c’est pourtant ce que l’on devait attendre : la grammaire comparée, qui opère avec des systèmes de correspondances, gagne à considérer moins les parlers — qui ne l’intéressent pas par eux-mêmes — que des faits d’un même ordre dans l’ensemble des parlers qui continuent une même « langue commune ».

Il est inutile de rappeler que, comme on l’a noté déjà, p. 29, tout parler ayant son système propre, il faut toujours se représenter la place de chacun des faits de détail dans chacun de ces systèmes. Un examen exclusif des mots et des formes fournis par les enquêtes et notés géographiquement risquerait d’entraîner à étudier d’une manière isolée un mot ou un petit groupe de mots, une forme ou un petit groupe de formes. Pareil émiettement ruinerait toute linguistique historique. La géographie linguistique a eu le mérite de mettre en pleine évidence la singularité de l’histoire de chaque mot, de chaque forme. Mais cette singularité a sa place dans des en-