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introduction


théories actuellement admises. D’autre part, il importe de mettre en contact tous les savants qui s’occupent de l’homme et de ses civilisations à tous égards : une langue ne se comprend pas si l’on n’a pas une idée des conditions où vit la population qui l’emploie ; et l’on ne peut davantage comprendre vraiment une religion ou des usages sociaux sans connaître la langue des hommes qui pratiquent ces usages. L’unité du nouvel Institut exprime l’unité de l’objet qu’il étudie, à savoir l’homme. Il est à souhaiter que des organisations semblables soient fondées ailleurs et pourvues des larges ressources nécessaires aux enquêtes.

Du reste le sujet que, d’accord avec les organisateurs, j’ai choisi pour ces leçons est de ceux sur lesquels le moment est venu de réfléchir. Après une trentaine d’années où l’on a tiré des principes posés entre 1875 et 1880 les résultats qu’on en pouvait attendre, la linguistique historique est revenue à une période de fermentation. Des procédés nouveaux d’enquête ont apporté des résultats inattendus. Jamais on n’a fait pareil effort pour ramener à des « lois », à des « lois générales » même, tous les changements linguistiques, et jamais on n’a cherché à serrer d’aussi près les faits les plus particuliers, à pénétrer l’âme même des hommes chez qui se font les innovations. Des langues les plus anciennes où les changements ne nous apparaissent que réduits à des schémas jusqu’aux parlers actuels où les faits sont si concrets et si particuliers que le détail nous y dissimule les grandes tendances, on a observé des faits infiniment divers. La linguistique a pris contact avec toutes les disciplines voisines où l’on peut espérer trouver des explications. — Bien que trop lentement, l’étude historique des langues