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la géographie linguistique

Le problème du « dialecte » a trouvé sa solution. On s’était souvent demandé comment tracer les limites entre les dialectes. D’une part, le dialecte apparaissait comme un ensemble offrant des caractères particuliers et s’opposant à d’autres dialectes. De l’autre, on n’arrivait pas à trouver aux dialectes des limites précises. Autrefois, un observateur parti de Bordeaux pour déterminer la limite entre les parlers gallo-romans du Nord et du Midi, avait dû renoncer à marquer une frontière et s’était arrêté sans avoir terminé son travail. Il a suffi de rapprocher les cartes pour apercevoir la vérité.

Chaque fait linguistique a ses limites propres.

Mais, en certaines régions, on rencontre un faisceau de limites de faits particuliers, limites qui parfois sont parallèles, parfois se croisent. Entre les parlers gallo-romans du Nord et ceux du Midi, il n’y a pas une limite ; il y a un faisceau de limites de faits particuliers, limites dont beaucoup sont proches les unes des autres. Au Nord et au Sud de ce faisceau, les parlers offrent par suite de nombreux traits en commun. L’opposition du Nord et du Sud est nette ; mais elle ne se laisse pas marquer par une ligne unique.

Ce faisceau suit, d’une façon caractéristique, à peu près le chemin que suit encore le train du chemin de fer qui va de Bordeaux à Lyon, c’est-à-dire qu’il fait une pointe prononcée vers le Nord, pour passer au pied du massif central de la France, du côté Nord. Tout le massif central appartient donc au type des parlers méridionaux. Les influences qui ont donné aux parlers de la partie septentrionale de la France leur aspect particulier, si éloigné du type latin, se sont arrêtées devant le massif montagneux qui occupe le centre de la France.