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la géographie linguistique

Quand on veut procéder à l’étude d’un ensemble de parlers modernes par voie comparative, l’enquête doit être organisée de telle sorte qu’elle puisse servir immédiatement à la comparaison.

Il faut tout d’abord avoir des observations réparties d’une manière à peu près égale sur l’ensemble du domaine étudié. L’idéal serait d’observer toutes les localités. Mais, dans un domaine normal où des parlers semblables se rencontrent sur une surface de quelque étendue et où le parler de chaque localité ne diffère pas essentiellement de celui de la localité voisine, il suffit d’examiner des localités prises au hasard, de manière que l’on ait un réseau d’observations comprenant tout le pays et fournissant des spécimens de tous les types. Plus le réseau est serré, moins on risque de laisser échapper des particularités importantes, plus on est sûr de tracer des limites exactes pour chaque fait. Mais l’essentiel pour le comparatiste est de posséder des données qui permettent d’apprécier d’une manière égale l’ensemble du domaine.

En second lieu, il faut que les données soient comparables les unes aux autres, et, pour cela, que les renseignements recueillis concernent des faits de même ordre : les mêmes mots de façon que l’on ait les formes prises par un mot de la langue commune sur tout le domaine, ou les mots de même sens, les mêmes formes ou des formes grammaticales de même valeur, etc.

Pour répondre à cette double nécessité, il faut dresser un questionnaire qui est rempli dans toutes les localités où doit se faire l’enquête. On note la façon dont des phrases données se disent dans chacune des localités enquêtées. Ce procédé du questionnaire a de graves inconvénients : la langue dans laquelle la question est