des innovations qui sont intervenues. En voici un exemple typique. Le celtique a hérité d’un ancien qʷ, du type de celui qui est conservé dans lat. quis. Il offre, d’autre part, une tendance qui apparaît dans toutes les parties du groupe où est conservé ce phonème : le kʷ tend à passer à p, et le gʷ à b. Le passage de gʷ à b a abouti aisément, parce que le celtique possédait déjà un b qui a attiré l’ancien gʷ. Mais, par une particularité singulière, le celtique avait perdu le p indo-européen ; dès lors, pour passer à p, le qʷ devait donner naissance à un p qui n’existait plus dans la langue ; ceci a suffi pour empêcher dans le groupe irlandais le qʷ de passer à p, et c’est ainsi que *eqwos « cheval » a abouti à irlandais *eq(os), d’où ech. En gaulois et en brittonique, au contraire, la tendance de qʷ vers p a été la plus forte, et qʷ a passé à p, si bien que le mot *eqwos est devenu epos en gaulois (et une forme pareille en brittonique). La division dialectale s’est produite en vertu d’événements qui ont chance d’être postérieurs à l’époque celtique commune. Une fois produite, elle commande des différences ultérieures ; car les mots présentent dès lors des différences profondes et ont des histoires nécessairement différentes.
La notion de dialecte a, on le voit, quelque chose de flou à tous égards. Le comparatiste ne peut donc s’y tenir ; il est obligé de chercher un terrain d’observation plus exactement délimité.