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origine des dialectes

Les dialectes grecs proviennent de ce qu’il y a eu, sur le domaine hellénique, des poussées successives et différentes d’envahisseurs. La plus ancienne vague que l’on observe est peut-être celle des Achéens, dont on n’a pas l’histoire, mais que les documents hittites récemment découverts laissent entrevoir vers le xiiie siècle av. J.-C. et dont le souvenir survit, sous forme légendaire, dans les poèmes homériques ; il en reste à date historique les parlers arcadiens dans le Péloponnèse, le pamphylien au Sud de l’Asie-Mineure, et le cypriote, qui jusqu’au bout a marqué un terme extrême de l’expansion des Hellènes. La vague ionienne est sans doute à peu près de même époque ; il n’en reste rien dans la Grèce propre ; mais l’Eubée, les îles de la mer Égée, et les rives de la Méditerranée, de la mer Noire aux côtes de Gaule, ont des colonies ioniennes. La plus récente de ces grandes poussées est celle des Doriens qu’on aperçoit encore en progrès aux débuts de la période historique de la Grèce et qui a recouvert nombre de régions déjà entièrement occupées par des hommes parlant d’autres dialectes helléniques, notamment une grande partie du Péloponnèse et la Crète.

Les dialectes qu’on rencontre sur le domaine gallo-roman ont une toute autre origine. Tous proviennent de la transformation d’un idiome sensiblement un employé en Gaule à la suite de la conquête romaine. Les parlers qui sont résultés de cette transformation ont des aspects divers en Provence et en Gascogne, en Normandie et dans l’Île-de-France. On ne sait bien ni à quoi est due cette diversité, ni d’où vient que ces régions ont des parlers semblables entre eux quoique distincts. Comme les limites de ces régions linguistiques concordent souvent