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V.

LES DIALECTES.


Jusqu’ici on a envisagé la langue initiale et les langues historiquement attestées comme si c’étaient autant d’unités. Tel n’est pas le cas. La notion de « dialecte », qui intervient sans cesse en linguistique, en fait foi.

Il faut ici faire abstraction du sens vulgaire, qui oppose le « dialecte » à une langue littéraire établie.

Le nom est grec, et il a été fait pour des situations grecques. Le grec ancien n’est pas, comme le latin, une unité. Il a été écrit de manières diverses suivant les temps et suivant les lieux. Dans tel type de parlers, on dit nāsos « île » et dans tel autre, nēsos ; dans tel, le datif pluriel est possi, posi « aux pieds » et, dans tel autre, podessi ; dans tel, « je veux » se dit boulomai, dans tel autre bellomai, et, dans tel autre, dēlomai ; dans tel, « possession » se dit ktēsis, et, dans tel autre, p(p)āsis. Mais ces différences ne sont pas telles que des Grecs employant des parlers de types différents aient eu le sentiment de parler des langues distinctes. Certaines de ces différences, comme l’opposition de nēsos à nāsos entrent dans de grandes séries de correspondances phonétiques, d’autres comme celle de podessi à possi, posi relèvent de différences grammaticales régulières, d’autres