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l’époque intermédiaire

au premier abord, de développements parallèles entre des langues déjà séparées et différenciées.

Si des créations semblables se réalisent ainsi d’une manière parallèle, mais indépendamment, certains traits anciens se perdent parallèlement, à bien plus forte raison. Grâce au fait que le grec connaît encore à l’époque classique la fameuse règle ta zōa trekhei (coexistence d’un verbe au singulier avec un sujet au pluriel neutre) et que la même règle se retrouve, exactement observée, dans les gāthā de l’Avesta, on sait que la forme dite « nominatif-accusatif pluriel neutre » de l’indo-européen est, en réalité, un ancien collectif. Mais une langue aussi archaïque que le védique l’ignore déjà presque totalement. Le latin a généralisé l’emploi du verbe au pluriel avec sujet au pluriel neutre ; le slave, le celtique et le germanique de même. Et, même en grec, la particularité s’est perdue avec le temps. Là où l’on n’a pas de formes très archaïques des langues — et c’est le cas ordinaire —, une large part des événements de la période intermédiaire demeure donc inconnue.


Mais il n’y a pas seulement des éliminations d’usages anciens et des innovations d’usages destinés à durer. Le développement linguistique est chose complexe, et l’on ne saurait avoir l’illusion ni d’expliquer tout ce qui s’est créé durant les périodes intermédiaires ni de restituer les événements multiples qui ont eu lieu durant ces périodes.

On suit, par des textes, l’histoire du grec depuis le viie siècle av. J.-C. jusqu’à l’époque actuelle, et l’on a là un exemple qui permet de juger la suite des créations et des pertes par lesquelles la langue est parvenue à l’état moderne.