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l’époque intermédiaire

suelles ne suffisent plus à indiquer les relations locales : si le latin a obligatoirement une préposition dans eo in urbem, habito in urbe, uenio ex urbe, ce n’est pas chose isolée ; des faits analogues s’observent dans la plupart des langues indo-européennes dès le début de l’époque historique, et la pleine valeur des cas locaux ne s’est maintenue que dans des survivances plus ou moins isolées. Cet état une fois atteint, la flexion casuelle devenait une complication superflue, et il n’est pas surprenant que la langue l’ait ou restreinte ou supprimée partout.

Ce qui rend malaisé, souvent impossible, de suivre le développement de la langue entre l’époque de communauté et les époques historiques, ce n’est pas seulement la difficulté d’évaluer le temps qu’a demandé le changement, ni le caractère invisible, ou presque, des périodes de préparation des changements.

Il y a bien d’autres causes d’embarras.


Les changements ultérieurs sont largement commandés par l’état de la langue commune et par la façon dont elle se brise. Il suit de là que des changements identiques ou semblables ont lieu même après la séparation et le commencement de la différenciation des langues issues de la « langue commune ». Ce fait est souvent méconnu. Les traités de grammaire comparée procèdent souvent comme si tous les faits superposables des divers représentants d’une même « langue commune » remontaient à l’époque d’unité. Sans doute, les auteurs ne le croient pas au fond, et ils se garderaient assurément de l’affirmer ; ils indiquent même parfois des réserves à cet égard. Mais l’exposé est présenté comme si les auteurs admettaient pareille hypothèse. Tel est le cas notamment