Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
des preuves employées

On n’a envisagé ici que les étymologies faites par comparaison entre langues diverses et reportant à un mot de la langue commune initiale. Pour déterminer de quelle manière peut se faire l’histoire de tous les mots — ce qui est hors du cadre de ces conférences —, il faudrait une longue étude, et qui envisagerait des procédés de toutes sortes.

Par exemple, il y a des mots qui s’expliquent, à l’intérieur d’une langue donnée, par des procédés de formation propres à cette langue. Un nom comme (w)érgon « œuvre » du grec trouve une étymologie par le rapprochement avec werk de l’allemand et par l’observation que la forme de ce mot est normale en indo-européen, la racine se retrouvant du reste en arménien et en iranien. Mais, pour expliquer órganon « instrument » du grec, il faut envisager un suffixe courant qui a fourni au grec bien d’autres noms.

Il y a beaucoup de mots dont l’histoire ne s’explique que par des données de fait : ainsi organum du latin n’est explicable que si l’on sait que le vocabulaire technique du latin est en grande partie grec ou imité du grec. Et, si l’on a en français deux représentants de ce mot, orgue et organe, avec des sens qui n’ont rien de commun ; ceci résulte de conditions spéciales ; si ces conditions sont connues, c’est parce qu’il s’agit de faits ayant eu lieu durant des périodes historiques ; aucune méthode comparative ne permettrait de les découvrir.

En fait, la plus grande part de l’étymologie des mots échappe à la méthode comparative et relève de l’histoire faite à l’aide de témoignages. Là où les témoignages manquent, et où l’on ne peut suivre, en se servant de données positives et précises, les accidents survenus à un