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vocabulaire

croirait parfois à parcourir les dictionnaires étymologiques. La règle de méthode est que seuls des faits positifs bien déterminés justifient un rapprochement : la preuve que le hasard est exclu est à la charge de l’étymologiste. Cette preuve peut être administrée de façons diverses suivant les langues et suivant les cas ; les conditions en varient d’une langue à l’autre, d’un mot à l’autre. Mais toujours il faut que les preuves soient précises, rigoureuses.

Aussi le nombre des bonnes étymologies est-il assez restreint, au moins pour les langues dont l’histoire n’est connue que par comparaison et où la méthode comparative ne trouve pas dans des séries de textes d’époques diverses l’appui de témoignages historiques précis. Quand on lit un manuel de grammaire comparée, on s’étonne d’abord de le trouver bâti sur un petit nombre de rapprochements. C’est qu’il y en a peu sur lesquels il soit permis de faire fond sans réserve.

Une langue comme l’indo-européen, où les mots sont le plus souvent au moins dissyllabiques ou trisyllabiques et où les flexions sont variées et complexes, se prête bien à des démonstrations étymologiques parfaites (on peut négliger les fantaisies, plus ou moins laborieuses, des linguistes qui se contentent à bon marché). De même le sémitique, avec ses racines qui comprennent normalement trois consonnes, permet des étymologies parfaites. Au contraire, les langues où les mots sont courts, souvent monosyllabiques, et ne comportent pas de flexions particulières, excluent, par leur structure, les démonstrations étymologiques rigoureuses. Il y aura là une méthode nouvelle à trouver si l’on veut parvenir à de véritables démonstrations.