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des preuves employées

ainsi un mot bien défini par la forme phonique et par le sens, l’étymologie peut passer pour assurée déjà. Mais il s’ajoute encore ceci que les deux langues les plus anciennement attestées, celles qui par là sont propres à donner l’idée la plus juste de certains détails des faits indo-européens, ont une flexion de type particulier : le génitif-ablatif sanskrit ávyaḥ concorde exactement avec grec oiós, qui repose sur *owyós. Dans les autres langues, la flexion a été normalisée, ainsi qu’on l’attend. Mais le sanskrit et le grec fléchissent le mot de même. C’est une précision supplémentaire qui achève d’exclure le hasard et ajoute à la rigueur de la démonstration.

Quand on doit restituer une « langue commune » initiale, il y a lieu de tenir compte du nombre de témoignages qu’on a pour un mot donné. Une concordance de deux langues, si elle n’est pas totale, risque d’être fortuite. Mais, si la concordance s’étend à trois, quatre ou cinq langues bien distinctes, un hasard devient moins vraisemblable. Bien que rādiy « à cause de » du vieux perse et radi « à cause de » du slave ne se retrouvent pas ailleurs, on n’hésite pas à rapprocher les deux mots parce que forme, sens et détail de l’emploi concordent de tout point. À part un cas de ce genre, un rapprochement de mots trouvés dans deux langues indo-européennes seulement est suspect, à moins qu’on ne puisse reconnaître des conditions spéciales ayant déterminé l’élimination du mot dans les autres langues.

De quelque langue qu’il s’agisse, une étymologie ne peut passer pour prouvée que si un ensemble de concordances précises établit que les ressemblances des mots rapprochés ne peuvent être dues au hasard.

Tout mot n’a pas droit à une étymologie, comme on le