Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
33
vocabulaire

« ce jour-ci » a hiutu (all. mod. heute) en vieux haut allemand n’entre dans aucune catégorie générale.

Ces phénomènes qui ne se ramènent pas à des formules générales ne font pas difficulté dans une langue dont l’histoire est connue et pour laquelle on possède des règles de correspondances bien établies. Il est superflu de noter que, dans une langue dont la théorie n’est pas établie de manière exacte, des faits aussi aberrants sont inutilisables et qu’il convient d’en faire provisoirement abstraction.


Quant au vocabulaire, c’est dans la langue l’élément de tous le plus instable. Les mots sont sujets à disparaître pour les raisons les plus variées ; ils sont remplacés par de nouveaux termes. Au vocabulaire indigène il peut s’adjoindre des mots nouveaux aussi et plus nombreux que les anciens : c’est ainsi que, au vocabulaire germanique de l’anglais, s’est superposé un élément latin et français aussi considérable que l’élément germanique. Il arrive même que tout le vocabulaire appartienne a un groupe autre que celui dont relève la morphologie : le tsigane arménien a une morphologie et une phonétique tout arméniennes et un vocabulaire tout tsigane.

Là même où ils subsistent, les mots sont susceptibles de changer si fort de valeur que, malgré l’ancienneté de leur forme, ils sont vraiment des mots nouveaux. Le nom indo-européen du chef de famille indo-européen, le *pəter-, a subsisté en français ; c’est le mot père. Mais au lieu que le mot indo-européen désignait un rôle social, et qu’on pouvait qualifier de *pəter- le dieu suprême, comme le plus grand des chefs de famille, le mot français désigne de plus en plus « celui qui engendre », et il passe