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des preuves employées

nore de la consonne initiale du groupe (pour le détail de l’explication, voir M. Grammont, Mémoires de la Soc. de ling., XX, p. 252), cette r a entraîné à son tour le développement de l’e initial qui figure dans erku. La présence de -r- à l’intérieur du mot a du reste suffi à empêcher le développement de r initiale : kr-kin est le mot qui signifie « double » (kr-kin repose sur un ancien *kirkin ou *kurkin). Tout, dans la correspondance si étrange de arm. erk- avec *dw-, résulte de la structure de l’arménien. Une correspondance qui ne s’expliquerait pas ainsi serait suspecte.

Dans des groupes de langues où l’on a de longues séries de rapprochements clairs et dont par suite l’appartenance à une même famille ne fait pas question, on peut utiliser des correspondances surprenantes, telles que celle de arm. erk- en face de *dw-, *duw- des autres langues du groupe, et l’on arrive à pouvoir poser arm. erk(i)- = lat. bi-, si bizarre que cela paraisse au premier abord. Il va de soi que l’on ne peut se servir de pareilles correspondances pour commencer à établir une communauté de langues. On est obligé de commencer par des rapprochements dont l’explication apparaît aisément.

La régularité des correspondances n’exclut pas l’existence de traitements particuliers. Dans la phrase, les mots se trouvent en des positions diverses, en des conditions diverses. La régularité des traitements provient souvent de ce qu’il s’est fixé une forme moyenne entre des cas divers suivant les positions dans la phrase. Mais il y a notamment des cas où des formes prononcées plus rapidement ou avec peu de soin sont plus usuelles que d’autres, et il résulte de là des traitements spéciaux des mots accessoires : une réduction comme celle de hiu tagu