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morphologie

par exemple, seraient des formes postérieures, se heurte à des obstacles quasi invincibles.

Plus sont singuliers les faits dont on constate entre deux langues la concordance, et plus grande est la force probante de la concordance. Les formes anomales sont donc celles qui sont le plus propres à établir une « langue commune ».

Le fait que il est, ils sont, je fus du français concorde avec est, sunt, fuī du latin est de nature à faire apparaître que le français est une forme nouvelle prise par le latin. Des concordances comme je veux, nous voulons, je voulus avec uolō, uolumus, uoluī, ou comme je dis, nous disons, dit avec dīcō, dīcimus, dictus viennent confirmer la preuve. Les verbes « irréguliers » apportent ainsi à la démonstration des moyens de preuve en grand nombre.

L’adjectif confirme la démonstration. On y observe en effet la distinction d’un masculin et d’un féminin, dont l’emploi est arbitraire, quand elle ne dépend pas du sexe. Or, cette distinction dénuée de sens se trouve en français comme en latin : veston neuf et veste neuve, de même que le latin a nouus, noua. Il apparaît même dans certaines formes, l’article la, les adjectifs possessifs ma, ta, sa, que le féminin se caractérise parfois par a en français comme en latin.

Plus une langue comprend ainsi de catégories grammaticales non significatives ou de formes anomales, et plus la démonstration des parentés et la restitution d’une langue commune initiale sont faciles pour le linguiste.

La communauté initiale ne se reconnaît pas toujours à une conservation pure et simple ; elle se traduit souvent