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langues communes intermédiaires

ployer des simplifications qui sont dans une certaine mesure arbitraires. Pour sortir de cette difficulté, il a été fait divers essais, notamment celui de M. Oscar Bloch sur les parlers d’une région des Vosges (celle de Remiremont). Quelque ingéniosité qu’on déploie pour éluder la difficulté, il n’est pas possible de s’en débarrasser tout à fait.

Quand on dispose de langues communes intermédiaires, l’explication des faits est beaucoup facilitée. Mais il n’est pas toujours possible d’en tirer complètement parti. Ainsi entre l’indo-européen et le latin, on sait qu’il y a eu deux périodes d’unité : une période italo-celtique et une période italique (l’ « italique » ayant fourni le latin et l’osco-ombrien). Mais la période de communauté italo-celtique rend peu de services, parce qu’elle a été de trop courte durée pour entraîner des innovations nombreuses et profondes. Et la période de communauté italique n’en rend guère plus parce que l’osco-ombrien est connu de manière toute fragmentaire.

Pour chaque langue, le problème de la restitution de la « langue commune » initiale se pose d’une manière particulière. Il faut, en chaque cas, tirer parti des situations particulières qui se présentent.


« Langue commune » suppose civilisation commune. Car il n’y a en fait langue commune que là où un parler s’étend sur des domaines où il ne s’employait pas antérieurement. Il peut arriver que cette langue commune apportée par des conquérants ou des colons ne soit jamais acceptée par l’ancienne population indigène et que celle-ci émigre ou disparaisse : tel est en gros le cas de l’anglais dans l’Amérique du Nord. Il peut arriver aussi que