Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
16
les langues communes

part, et les langues romanes, de l’autre, s’insère une grande « langue commune », le « roman commun », qu’on est convenu de nommer « latin vulgaire ». De même, entre l’indo-européen, d’une part, le gotique, le vieux haut allemand et le vieil anglais, le vieux norrois, de l’autre, il y a eu une « langue commune », le « germanique commun », langue non attestée en fait, mais dont l’existence est supposée par un ensemble d’innovations systématiques. Ces paliers facilitent beaucoup l’explication.

Si, pour expliquer les faits français, italiens, espagnols, portugais, roumains, les romanistes devaient remonter à l’indo-européen commun et ne possédaient pas le palier « roman commun », l’explication des faits resterait singulièrement incomplète, impossible le plus souvent.

Quand on ne dispose pas de pareils paliers, on rencontre de graves difficultés. C’est ce qui arrive aux romanistes quand ils sont en présence de parlers locaux gallo-romans ou italiens. Il n’y a pas eu de « gallo-roman commun », d’ « italien commun ». On est donc réduit à comparer chaque parler gallo-roman ou italien au roman commun, sans intermédiaire. Ce n’est pas à dire que les parlers de la France du Nord, par exemple, n’aient pas entre eux beaucoup de traits communs dont les plus caractéristiques se retrouvent dans le français littéraire fondé sur le parler de Paris. Mais, depuis l’époque de séparation des parlers romans, chacun a son histoire propre. Les romanistes qui s’occupent des parlers gallo-romans et des parlers italiens se trouvent ainsi obligés soit à refaire pour chaque parler l’histoire entière du type auquel appartient le parler étudié, soit à em-