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nécessité de la méthode

parlée en leur temps sont presque toujours d’importance médiocre, le plus souvent insignifiants, par rapport aux grands faits qui ont eu lieu sans avoir été notés par personne. Pour déterminer les états de langue du passé, le linguiste doit se servir de la philologie la plus exacte, la plus précise : et chaque progrès dans la précision philologique permet un progrès nouveau pour le linguiste. Le contact de plus en plus étroit qui s’est heureusement établi entre philologues et comparatistes est nécessaire pour que le linguiste puisse utiliser tous les faits, des faits certains, et des faits observés avec la dernière précision. Mais, à elle seule, la philologie n’apporte même pas un commencement d’histoire linguistique.

La comparaison est le seul instrument efficace dont dispose le linguiste pour faire l’histoire des langues. On observe les résultats des changements, non les changements eux-mêmes. C’est donc seulement à l’aide de combinaisons qu’on suit — et qu’on peut suivre — le développement des langues.


Mais ces combinaisons sont, on le verra, rigoureuses et précises. Toutes reposent sur l’affirmation que certaines concordances données entre langues diverses ne s’expliquent pas par des traits communs à tous les hommes et requièrent l’hypothèse d’une tradition particulière.

Telle est l’essence de la méthode comparative. Pour apprécier la valeur probante d’une combinaison, il n’y a qu’à ne jamais perdre de vue ce caractère de la preuve.