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définition de la méthode

Xerxès, grâce aux inscriptions monumentales de ces rois. Puis les témoignages manquent du ve siècle av. J.-C. jusqu’au iiie siècle ap. J.-C. Alors on trouve le « pehlvi. »

Mais, d’abord, ce pehlvi n’est pas, comme on l’a cru jusqu’aux dernières années, la continuation du parler qui a été noté dans les inscriptions des souverains achéménides : ainsi que je l’ai indiqué moi-même et que M. Tedesco l’a démontré d’une manière plus précise et plus complète, le pehlvi des textes de l’époque sassanide, ancêtre du persan littéraire, présente quelques traits qui le distinguent du perse achéménide. On ne saurait donc dire que le linguiste possède ici la tradition d’une même langue ; il observe, à des dates différentes, deux parlers de types très voisins, mais non identiques.

En second lieu, entre le perse achéménide et le pehlvi sassanide, il y a une différence de développement aussi grande que celle qui sépare le latin ancien du roman. Entre les deux dates, la langue a changé de caractère. Comme sur le domaine latin, l’essentiel du changement s’est passé hors de la vue de l’historien. Le linguiste dispose de deux états de langue profondément distincts l’un de l’autre ; pour faire une histoire, il lui faut restituer l’entre-deux. La comparaison des divers parlers iraniens modernes aide à faire cette restitution ; mais elle ne fournit que des directions, non des témoignages positifs.

D’une manière générale, l’histoire des langues ne se fait donc qu’en comparant des états de langue les uns aux autres. Car les faits que fournit la succession des textes dans les cas exceptionnels où les gens qui écrivent ont suivi plus ou moins complètement l’usage de la langue