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nécessité de la méthode

emprunts d’une langue à l’autre, supposent une origine commune. Mais il reste à les interpréter d’une manière systématique : tel est l’objet de la linguistique historique comparative.


Le procédé dont on vient de voir le principe peut sembler compliqué, difficile à manier. Mais il n’y en a aucun autre pour faire l’histoire des langues.

Car l’histoire des langues ne se fait jamais au moyen d’une suite de textes rangés en ordre chronologique. Si le linguiste se sert de textes anciens, ce n’est que pour y observer des états de langue. Il va de soi que, pour toutes les langues anciennes, les faits se laissent observer seulement à l’aide des textes. C’est sur des documents écrits qu’on observe l’attique ou le gotique, l’arménien classique ou le vieux slave. Interprétés avec critique, ces documents donnent beaucoup, et l’on peut souvent avoir une notion précise de certains états de langue anciens. Mais cette étude permet seulement de déterminer l’état d’une langue à un certain moment, dans certaines conditions. L’examen des textes n’est qu’un substitut de l’observation directe devenue impossible.

Même dans les meilleurs cas, la langue écrite est bien loin d’enregistrer exactement les changements successifs de la langue parlée. Souvent la langue écrite est fixée, et la forme qu’elle présente ne change presque pas d’un siècle à l’autre. Là même où elle n’est pas entièrement fixée, l’usage écrit est ordinairement dominé, dans une large mesure, par des formes antérieures — qui ne sont pas toujours connues.

Soit l’exemple classique du latin. Entre la langue écrite telle qu’on la trouve chez Plaute et celle qu’on trouve