Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
définition de la méthode

Mais il suffit d’examiner les faits arméniens de près pour que la valeur probante des concordances ressorte.

Ainsi arm. erku « deux » ne ressemble pas à lat. duo, etc. ; mais d’autres correspondances montrent que erk- peut répondre à *dw- d’autres langues ; ainsi, de même que le grec a pour l’idée de « craindre » une racine dwi-, l’arménien a erki- (erkiwł « crainte »), et de même que le grec a pour dire « longtemps » un vieil adjectif dwārón, l’arménien a erkar « long » (v. ci-dessous, p. 31. La concordance se laisse donc ramener à une règle générale de correspondance : un ancien dw- aboutit à arm. erk-).

Au premier terme des composés, le grec a dwi-, et l’arménien erki-. Il y a donc un groupe de concordances singulières qui ne laisse aucun doute (voir ci-dessous, p. 107).

Les formes arméniennes erek‘ et č̣ork‘ sont loin de gr. trēs, téttares ; mais elles se laissent, au moins en partie, expliquer par des correspondances semblables. Et, détail caractéristique, de même qu’en sanskrit et en grec, « trois » et « quatre » ont des formes casuelles d’un type ordinaire, les noms à partir de « cinq » sont invariables ; or, en arménien, « trois » et « quatre » ont des formes casuelles normales, et, en particulier, le -k‘ final est la marque du nominatif pluriel arménien, marque qui ne se retrouve pas aux autres cas.

Moins apparentes au premier coup d’œil que les concordances entre le français, l’italien et l’espagnol, les concordances des formes des noms de nombre en sanskrit, en grec, en latin et en arménien ne sont au fond pas moins certaines, on le voit.

Ces concordances, qui ne peuvent s’expliquer par des