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définition de la méthode

confirmation. Il est significatif par exemple qu’il y ait une distinction du masculin et du féminin pour un, une et pas pour les autres nombres.

On est donc conduit à poser que les noms de nombre du français, de l’italien et de l’espagnol remontent à une seule et même tradition originelle. En pareil cas, l’expérience montre qu’il y a deux types de tradition possibles : les trois groupes considérés peuvent remonter à une origine commune, ou bien deux des trois peuvent avoir emprunté les formes de l’autre. En l’espèce, la seconde hypothèse est exclue, parce qu’on ne saurait expliquer les formes d’aucune des trois langues par celles d’une autre. Ni le fr. huit ne peut sortir de it. otto ou de esp. ocho, ni it. otto de fr. huit ou de esp. ocho, ni esp. ocho de fr. huit ou de it. otto. Il est prouvé ainsi que les noms de nombre du français, de l’italien et de l’espagnol ont un point de départ commun qui n’est ni français, ni italien, ni espagnol.

Dans l’exemple choisi, les concordances sont si nombreuses, si complètes et les règles de correspondances si faciles à reconnaître, qu’elles sont propres à frapper immédiatement des profanes et qu’il n’y a pas besoin d’être linguiste pour en apercevoir la valeur probante. Les concordances sont moins frappantes et les règles de correspondances plus difficiles à déterminer si l’on observe des langues séparées par de plus grands intervalles dans l’espace et dans le temps, comme le sanskrit, le grec attique ancien, le latin et l’arménien classique :

SKR.
GR. ATT.
« un » ékaḥ, ékā, ékam hēs, mia, hen