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besoin de faits nouveaux

sont des formes grammaticales proprement dites. Le purisme est d’ailleurs moins puissant en Angleterre qu’en France, moins organisé, moins populaire.

Les États-Unis sont devenus une nation puissante et qui ne sent, vis-à-vis de l’ancienne patrie, aucune dépendance, à qui une dépendance, même limitée à la langue, pèserait. Si des groupes intellectuels restent liés à la vieille culture anglaise, surtout dans la région d’ancienne colonisation, dans l’Est, c’est le fait de lettrés dont l’influence sur l’ensemble du pays n’est pas dominante. L’école ne dépend pas du gouvernement central et ne saurait jouer le rôle fortement unificateur qu’elle joue en France par exemple.

Et surtout les États-Unis sont un pays d’immigration. Il y est allé des émigrants de toutes les régions de l’Europe : irlandais pour qui, même s’ils parlaient anglais, l’anglais était le résultat d’une acquisition peu ancienne, allemands, scandinaves, lettes et lituaniens, polonais, russes, finlandais, roumains, juifs de l’Europe orientale, italiens, grecs, arméniens, et même syriens. L’anglais est la langue commune des États-Unis ; mais cette langue commune est parlée par beaucoup de sujets dont la langue maternelle était autre ou qui, même s’ils sont nés aux États-Unis, ont entendu de leurs parents une autre langue. Dans la plupart des régions, ces émigrants nouveaux sont beaucoup plus nombreux que les descendants d’anciens colons. L’anglais est donc parlé aux États-Unis par une majorité de gens chez qui la tradition de l’anglais est récente, et dont beaucoup sont encore bilingues. Au fur et à mesure que grandit l’importance du centre et de l’ouest des États-Unis où la proportion des immigrés récents est plus forte que dans l’est et où il y a moins de