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utilement qu’à des faits qualitativement identiques et comportant une commune mesure. Tel n’est pas le cas des faits linguistiques.

Par cela même que la qualité, les détails particuliers en doivent être appréciés en chaque cas, il dépend du tact, du jugement, du bon sens des linguistes de tirer des faits le parti qui convient. Tous les linguistes ne sentent pas les choses de la même manière. Tel qui a un sens juste des transformations phonétiques se rend mal compte de la façon dont les sujets parlants se comportent vis-à-vis d’un mot donné ; les dons et les connaissances qui permettent de bien comprendre le développement des formes grammaticales ne sont pas ceux grâce auxquels on devine les actions capricieuses de l’ « étymologie populaire ». Ce « coefficient personnel » explique beaucoup de divergences entre les linguistes. Et il y a des esprits faux qui ne sont capables d’apprécier la juste valeur d’aucun rapprochement. Mais, avec de l’exercice et en examinant des séries de faits bien établis, on acquiert une expérience grâce à laquelle on peut juger correctement des divers types de faits comparés. Voici des exemples de rapprochements délicats, où l’on apercevra les difficultés de la preuve.

On constate que, en brittonique comme en gaélique, les consonnes intervocaliques sont traitées autrement que les consonnes initiales. Ce qui tend à indiquer qu’il y a là une tendance commune, c’est que le traitement intervocalique s’applique, dans les deux groupes, aux consonnes initiales de mots étroitement liés à des mots précédents dans la phrase. Mais le résultat diffère d’un groupe à l’autre : en gaélique, les occlusives sourdes intervocaliques deviennent des spirantes sourdes : t passe