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créations phonétiques

veaux et phoniques et morphologiques. Dans toutes les langues indo-européennes, on observe des innovations qui ont transformé la langue en y introduisant des phonèmes jusque-là inusités, des formes grammaticales neuves et même des catégories neuves. Il y a donc des innovations spécifiques qui ne se laissent ramener à aucune tendance de caractère universel.


L’indo-européen avait des occlusives sourdes, articulées avec force, et où l’explosion n’était suivie d’aucun souffle, de sorte que les vibrations vocaliques des voyelles commençaient aussitôt après l’explosion : c’est le type des sourdes p, t, k telles qu’on les rencontre dans les langues romanes, en baltique, en slave, en iranien, par exemple. Il y avait des occlusives sonores, plus faiblement articulées et accompagnées de vibrations du larynx dès le moment de l’implosion : tels sont les b, d, g des mêmes langues. En arménien, en germanique et même en celtique (ici moins radicalement), ces types ont été remplacés par d’autres : l’articulation de p, t, k est devenue plus faible, et un souffle s’est, inséré entre l’explosion et le début des vibrations laryngales qui caractérisent la voyelle ; quant à b, d, g, les vibrations laryngales n’ont pas commencé au moment même de l’implosion, de sorte que les b, d, g ainsi prononcés se sont rapprochés du type sourd (en français des b, d, g de cette sorte font l’effet de p, t, k mal réussis). Le système de l’articulation des occlusives a donc changé tout entier. Le système nouveau était moins stable que l’ancien ; et, tandis que les langues qui sont demeurées fidèles au type indo-européen présentent encore, surtout à l’initiale des mots ou en position appuyée (après consonne), l’état