Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
94
FORMULES GÉNÉRALES DE CHANGEMENT.

diverses, et le nom français, invariable, est significative.

Ce n’est pas un accident : le sémitique commun avait une flexion nominale à trois cas distingués par des désinences ; seuls, l’akkadien le plus ancien (babylonien) et l’arabe classique en donnent une idée ; l’akkadien récent et l’arabe moderne l’ont éliminée ; au contraire, le verbe sémitique a partout, et même dans une langue aussi évoluée que l’araméen, une conjugaison riche de formes. Et, d’une manière générale, on observe souvent ce contraste entre l’absence de flexion nominale et la richesse de la flexion verbale.

Ceci tient à la nature du nom et du verbe. Le nom indique une notion de caractère permanent : une chose, une personne, ou une qualité ; le verbe indique un procès, qu’il s’agisse d’une action proprement dite ou d’un état : « il mange, il dort », etc. Par cela même qu’il indique une notion permanente, le nom comporte une forme unique ou, tout au plus, une forme principale dont se tirent les autres. Au contraire, le verbe, qui indique un procès, comporte des formes personnelles et l’expression de nuances qui sont diverses suivant les langues, mais qui peuvent être nombreuses. Le fait que les formes du nom et celles du verbe obéissent à des tendances divergentes résulte donc de la nature des choses.


Qu’il s’agisse de phonétique ou de morphologie, les formules générales du développement s’expliquent par des conditions communes à tous les hommes, ou, du moins, à tout un type de civilisation.