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formules morphologiques

comme la phonétique, d’après des formules générales. Un fait fondamental de l’évolution des langues indo-européennes en fournira un exemple.

En indo-européen commun, le nom et le verbe étaient également des formes fléchies. Il n’y avait pas une forme du nom, celle du cas sujet par exemple, dont les autres auraient été des dérivées : un nom se composait d’un ensemble de formes casuelles dont aucune ne commandait les autres ; il n’y a pas en latin un mot loup, mais un ensemble lupus, lupe, lupum, lupī, lupō, ou aucune de ces cinq formes ne sert à former les autres, pas plus qu’elle ne sert à former le pluriel lupī, lupōs, lupōrum, lupīs ; il n’y a pas un nom de l’ « homme », mais un ensemble homō, hominem, hominis, hominī, homine, et ainsi toujours. De même il n’y a pas une forme de « aller » qui commande les autres, mais eō, īs, it, et de ībam, ībō, eam, īrem, etc.

Or, au cours du développement des langues indo-européennes, les formes nominales ont, plus ou moins tôt, mais partout, tendu à réduire leur flexion : sauf les formes anciennes de l’indo-iranien, aucune langue indo-européenne ne présente au complet toutes les formes de déclinaison. Et, avec le temps la déclinaison a disparu dans une grande partie des langues, ainsi dans les langues romanes, en anglais, en persan ; ou bien la forme du cas sujet a pris une importance dominante, ainsi en slave, ou a servi de point de départ aux autre formes, ainsi en arménien. Au contraire, toutes ces langues ont conservé une flexion verbale, sinon aussi riche que la flexion indo-européenne, du moins variée, complexe, pourvue de formes multiples. La comparaison entre le verbe français, encore si encombré de formes