Page:Meillet - La méthode comparative en linguistique historique, 1925.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
91
formules morphologiques

somnu(m) a donné somme en français, c’est que, au moment du changement, -mn- était étroitement groupé et que -n- avait perdu son autonomie. Il sort de là la conclusion que, dans un groupe tel que -mn-, la nasale -n- est sujette à perdre son caractère de consonne appuyée, ce qui tient au caractère spécial des nasales m et n.


Enfin — et ceci est le trait essentiel —, les formules de la phonétique générale évolutive indiquent des possibilités, non des nécessités. On peut déterminer comment une consonne placée entre voyelles est sujette à s’altérer, mais ceci n’implique pas qu’elle s’altérera. Un -k- place entre voyelles est sujet à s’altérer soit en spirante gutturale x (le ch allemand) soit en occlusive sonore g ; et le x et le g peuvent subir ultérieurement d’autres altérations dues à la position intervocalique ; par exemple le k roman a fini par passer à i en français dans un cas tel que auca donnant oie (maintenant prononcé wa) ; mais un k intervocalique de l’indo-européen a subsisté partout en slave, et le k qu’on prononce aujourd’hui dans polonais piekę « je cuis » existe dans cette première personne depuis l’indo-européen (l’i de fr. cuis représente le même élément — après bien des transformations successives).


En matière de morphologie, les choses se passent de manière moins rigide qu’en matière de phonétique. La morphologie est le domaine de la survivance.

Telle catégorie grammaticale qui s’explique par la mentalité des hommes d’une certaine société persiste longtemps après que cette mentalité a disparu. Les hommes qui voient des forces internes derrière les phénomènes