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FORMULES GÉNÉRALES DE CHANGEMENT.

tūca a subsisté dans fr. laitue. Il y a, dans ces constatations de quoi guider le linguiste.

Toutefois des formules exactes ne se laissent pas encore trouver dans tous les cas. Il faut du moins toujours observer les conditions propres à certains phonèmes. Par exemple le y, loin d’entrer dans la règle des consonnes appuyées, tend à se fondre dans la prononciation d’une consonne précédente, si bien qu’il perd souvent son existence propre en altérant profondément cette consonne. Mais on pourrait écrire — Schleicher l’a déjà tenté, prématurément — une étude d’ensemble sur les combinaisons de y avec les consonnes précédentes et les phénomènes multiples qui en résultent.

Il y a des cas complexes : des groupes de consonnes intervocaliques comme -mn- admettent des traitements variés. En italien, -n- est traitée comme si elle était appuyée, et somnu(m) aboutit à sonno ; en français au contraire -mn- forme un groupe qui appartient tout entier à l’explosion, et c’est m qui y domine, d’où somme ; en espagnol, enfin, il se produit un phonème complexe, et l’aboutissement est sueño, où l’on ne retrouve proprement ni m ni n. À essayer de ramener ces traitements à une formule une on perdrait sa peine. Mais il ne devient pas impossible pour cela de poser des formules : les formules ne s’appliquent pas à l’ensemble du développement entre un moment initial et divers aboutissements plus ou moins lointains. Les formules de la phonétique générale évolutive s’appliquent seulement au moment où a lieu chaque changement partiel. Si somnu(m) a donné sonno en italien, c’est que, au moment où a eu lieu l’assimilation, -mn- formait un groupe de deux consonnes distinctes où -n- était traitée comme appuyée. Si