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1. Démonstratifs.

Les démonstratifs forment trois séries parallèles, caractérisées par les consonnes radicales, s ս pour l’objet rapproché (notamment de la personne qui parle) ; d գ pour un objet moins proche (rapproché par exemple de la personne à qui l’on parle) ; ո ն pour l’objet éloigné. L’élément s ս est identique au radical du démonstratif indiquant l’objet rapproché dans la plupart des autres langues : v. sl. , lit. šis, alb. si-, got. hi-, lat. cis, citrā, phrygien σεμουν (semoun) et hittite kas « celui-ci » ; arm. aysawr այսաւր « aujourd’hui » répond à v. sl. dĭnĭ sĭ, lit. señdĕn, got. himma daga, gr. σήμερον (sêmeron) (de *kyâmeron). L’élément ն est le même que dans v. sl. onŭ, lit. ans « celui-là », got. jains, etc. Enfin d դ a été rapproché ci-dessus (§ 11) du thème skr. tá-, gr. το.

De chaque série on a : 1° un « article » : s ս, d ղ, n ն, particule invariable, qui sert à déterminer un mot, un groupe de mots ou une phrase et se postpose : mard-s մարղ–ս « l’homme-(ci) ». — 2° un démonstratif proprement dit : ays այս, ayd այդ, ayn այն. — 3° un anaphorique : sa սա, da ղա, na նա, composé d’un élément fléchi so-, do-, no-, suivi d’une particule -a, ancien *-ai (v. § 26) ; le nominatif sa սա est *so-ay, gén. sor-a սոր–ա, dat. sm-a սմ-ա. — 4° un adjectif et pronom marquant identité soyn սոյն, doyn դոյն, noyn նոյն, composé du même élément fléchique le précédent et d’une particule -in, sans doute identique au -ὶν (in) de gr. οὑστος-ὶν. — 5° des adverbes de lieu, pour les trois questions ubi, quo et unde (sur aydr այղր ayti այտի, cf. R.E.A. I, 34), chacun accompagné d’une forme à particule -in –ին marquant identité.

ubi : ast աստ « hic »   aydr այդր « istic »   and անդ « illic »
quo : aysr այսր « huc »   aydr այդր « istuc »   andr անդր « illuc »
unde : asti աստի « hinc »   ayti այտի « istinc »   anti անտի « illinc »

L’opposition du t de ast աստ « hic » et du d de and անդ « illic » montre qu’il s’agit d’un *-t- indo-européen ; au contraire asti աստի « hinc » et anti անտի « illinc » ont un ancien *d ; le -r –ր de aysr այսր « huc », etc., rappelle celui de ur ուր « où » (ubi et quo), cf. lit. kuř. Les formes à addition d’enclitiques comme ure-k‘ ուրեք « quelque part », astēn աստէն « ici même » (de *aste-yn), andrēn անգրէն « là même » (de *andre-yn), etc. indiquent que la voyelle finale qui est