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skr. tásmāt (ce qui ne veut pas dire qu’elle soit indo-européenne) ; d’ordinaire la caractéristique -ē –Է de l’ablatif est ajoutée, ainsi dans umē ումէ « de qui ».

La caractéristique -r –ր du génitif nor-in նոր-ին, oyr ոյր n’est pas d’origine aussi claire que -m du datif-locatif ; le sanskrit a le démonstratif tásya « de celui-ci », comme le substantif mártasya « du mortel », la langue homérique a τοῖο (toio) comme βροτοῖο (brotoio) ; mais, de même que le latin et le slave, l’arménien s’est constitué un génitif propre au type des démonstratifs ; les innovations de ce genre, étant limitées à une seule langue, ne sauraient être expliquées que d’une manière hypothétique ; arm. nor- et oyr sont obscurs comme lat. istius et v. sl. togo. Étant donné qu’il y a eu en indo-européen des flottements entre *r et , dont donne une idée le flottement entre astł աստղ en face de gr. ἀστήρ (astêr) (voir § 47), on doit rapprocher de l’r ր du génitif du démonstratif arménien le l du hittite : kēl « de celui-ci », kuēl « de qui ? ». Ainsi le r ր de nor-in Նոր–ին, nor-a նոր–ա s’expliquerait directement. Quant à {{lang|hy-Latn|oyr ոյր de l’interrogatif le oy rappelle l’ancien *-osyo attesté par skr. kásya. Le ē է de ēr էր « de quoi » rappelle gâthique čahyā et v. sl. ceso « de quoi ». Il y aurait donc eu contamination de l’ancien type à désinence -syo- et de la forme caractérisée par -r –ր. Il reste à rendre compte du con traste de oyr ոյր, oyk‘ ոյք, etc. et de nor-in նոր-ին, nok‘-in Նոք–ին, etc. ; la diphtongue finale *-oi du nominatif pluriel (homér. τοί (toi) « ceux-ci ») devait donner arm. -o, de même que *-ai final a donné -a –ա (v. § 26) ; donc no-k‘-(in) նո-ք-ին est la forme attendue au nominatif pluriel ; le -k‘ –ք n’empêche pas le traitement de la finale (v. § 34) ; au contraire *-osyo devait donner -oy -ոյ ; -o- –n– aurait été généralisé dans les démonstratifs et -oy- –ոյ dans l’interrogatif. La prédominance du génitif singulier dans l’interrogatif tient à ce que le singulier ov ով est plus usuel que le pluriel et à ce que l’indéfini o-k‘ ո-ք « quelqu’un » (cf. skr. káç ca) a seulement le singulier.

56. — La flexion qui vient d’être décrite se retrouve seulement dans deux groupes : 1° les démonstratifs ; 2° les interrogatifs et indéfinis.