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(dat.), bráhman-i (locatif) ; l’autre une ancienne forme à vocalisme prédésinentiel sans e, *-°n-es, cf. skr. vr̥ṣṇ-aḥ « du mâle », etc.

Le nominatif et l’accusatif pluriels avaient en indo-européen des vocalismes prédésinentiels différents ; mais les deux cas ne diffèrent en arménien que par les désinences, -k‘ –ք au nominatif, -s –ս à l’accusatif et au locatif ; le vocalisme qui a persisté est celui du nominatif. Le type -in-k‘ –ին–ք de anjink‘ անձինք « personnes » représente *-en-es, cf. gr. (ποιμ-)έν-ες ((poim)en-es) ; le type -un-k‘ –ուն–ք de mianjunk‘ միանձունք représente *-on-es, gr. ον-ες (on-es) ; l’opposition du simple anjink‘ անձինք et du composé mianjunk‘ միանձունք reproduit celle de gr. φρένες : ἄφρονες (phrenes : aphrones) ; mais l’arménien a conservé un état plus ancien que le grec en ceci que le grec a généralisé le vocalisme o à tous les cas de la déclinaison de ἄφρων (aphrôn) : génit. ἄφρονος (aphronos), dat. ἄφρονι (aphroni), tandis que l’arménien a conservé l’ancien vocalisme e au génitif-datif-locatif sing. mianjin միանձին ; cf. le contraste du nominatif lit. akmūo « pierre » et du génitif akmeñs ; du nominatif got. hairto « cœur » et du génitif hairtins. De même dans les anciens masculins et féminins, -un-k‘ –ուն–ք représente *-ones ou *-ōnes, ainsi dans harsunk‘ (Հարսունք « brus ». La désinence *-es du nominatif pluriel a laissé sa trace -e- –ե– quand un élément ajouté empêche la voyelle de se trouver en syllabe finale : amen-e-k‘-ean ամեն–ե–ք–եան « tous », cf. č̣or-e-k‘-tasan չորեքտասան « quatorze » et č̣orek‘hariwr չորեքհարիւր « 400 ». Dans les anciens neutres, *-un-k‘ –ուն–ք repose sur *ōnə ou *-ōnā, cf. got. hairt-ona « cœurs », skr. bráhmāṇi « prières ».

45. — Dans la mesure où il s’agit d’anciens neutres, l’identité du nominatif et de l’accusatif singuliers s’explique immédiatement : -mn de šaržumn չարժումն « mouvement » représente le nominatif-accusatif indo-européen en *-mn̥ (skr. -ma, gr. -μα (-ma) lat. -men). Pour les anciens masculins et féminins, la confusion du nominatif et de l’accusatif est analogique de celle des types vocaliques ; le nominatif avait une simple voyelle longue : skr. , lat. , lit. , ou une voyelle longue plus nasale : gr. -ην (ên) et -ων (-ôn) ; l’accusatif avait une syllabe de plus : skr. -ānam et -anam, gr. -ονα (-ona) et -ενα (-ena), lat. -inem, etc. – Dans un certain nombre de substantifs désignant des personnes et d’adjectifs, c’est le nominatif ancien, c’est-à-dire une forme sans trace de nasale (puisque *-ō et *-ōn aboutissaient égale-