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indo-européennes, les langues baltiques et slaves ont conservé, à la date où l’arménien est connu, une déclinaison aussi complète ; dès avant l’époque historique, le grec, archaïque à d’autres égards, avait perdu trois des huit cas indo-européens.

a) Types vocaliques.

33. — La confusion du nominatif et de l’accusatif singuliers et l’absence de toute désinence à la forme commune de ces deux cas s’expliquent par la chute phonétique des finales : k‘un քուն répond au nominatif skr. svâpnaḥ, lat. somnus (cf. gr. ὕπνος (hupnos)) et à l’accusatif skr. svápnam, lat. somnum (cf. gr. ὑπνον (hupnon)) ; de même am ամ à skr. sámā (nomin.) et sámām (acc.) ; zard զարդ à gr. ἀρτύς (artus) et ἀρτύν (artun), etc. La perte de toute forme propre du vocatif a la même cause : k‘un քուն répond aussi à skr. svápna, lat. somne (cf. gr. ὕπνε (hupne)) ; sirt սիրտ « cœur » (instr. srtiw սրտիւ) a une forme parallèle non seulement à celle de lit. širdìs (nomin.), širdin (acc., ancien *širdin), mais aussi à celle du vocatif širdë, etc. Et de même le locatif singulier des thèmes en -o- est identique au nominatif-accusatif parce qu’il a perdu la diphtongue finale *-ei ou *-oi : k‘un քուն (locatif) répond à skr. svápne (locat.), cf. gr. ônvot (hupnoi) (locatif et datif de certains dialectes), sl. sŭnĕ.

34. — Là où -s final s’est amui, le nominatif pluriel des thèmes en *-o et en *-ā se confondait phonétiquement avec le nominatif singulier : c’est arm. *am qui répondrait phonétiquement à un nominatif pluriel skr. sámāḥ, comme à sámā et à sámām ; c’est *k‘un qui répondrait phonétiquement au nominatif pluriel skr. svápnāḥ, et en fait c’est bien *am et *k‘un que présente l’arménien, mais avec addition du -k –ք, qui représente sans doute -*s final (voir § 26) ; de même à l’instrumental où la forme du pluriel ne se distingue de celle du singulier que par la présence d’un -k‘ –ք représentant un -*s final ; dans le verbe, les premières personnes du singulier et du pluriel ne sont pas non plus distinguées autrement que par la présence du -k‘ –ք au pluriel : em եմ « je suis », emk‘ եմք « nous sommes » ; la deuxième personne du pluriel a aussi -k‘ –ք : ēk‘ էք « vous êtes ». La présence du -k‘ –ք du pluriel n’empêche pas la chute des voyelles des syllabes finales : *č̣orek‘ « quatre » (cf. dorien τέτορες (tetores)), conservé dans č̣orek‘-tasan չորեքտասան « quatorze », č̣orek‘-hariwr չորեք-