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Les diphtongues ne sont pas traitées autrement que les voyelles simples, et par exemple la diphtongue en *-i du locatif des thèmes en -o- et la diphtongue à nasale de l’accusatif des mêmes thèmes tombent aussi bien que la voyelle simple du vocatif : k‘un քուն « sommeil » répond également au nominatif skr. svápnaḥ (cf. gr. ὕπνος), à l’accusatif svápnam (cf. gr. ὕπνον) et au locatif svápne (cf. gr. dialectal ὕπνοι). Seules font exception les diphtongues en *-r et *-l qui perdent leur voyelle, mais conservent leur sonante : hayr հայր « père », cf. gr. πατήρ, lat. pater ; dustr դուստր « fille », cf. gr. ϑυγάτηρ ; astł աստղ « astre », cf. lat. stella (de *stel-nā), et gr. ἀστήρ (avec r). — Dans les monosyllabes, la sonante finale subsiste au contraire : k‘an քան « que » semble répondre au lat. quam et indique ainsi que la nasale finale a été en arménien préhistorique *-n comme en hittite, en grec et en baltique et non pas *-m comme en indo-iranien et en italique.

Comme *n̥ est représenté en arménien par an ան, on s’attendrait à ce que, à la fin du mot, ce *-an fût tombé comme toute autre diphtongue finale, mais en fait la nasale a subsisté, précédée d’un ə ը non écrit, ainsi : ewt‘n եւթն « sept » (prononcé: ewt‘ən) cf. gr. ἑπτά, lat. septem ; tasn տասն « dix », cf. gr. δέϰα, lat. decem ; otn ոտն « pied », cf. l’accusatif gr. πόδα, lat. pedem ; *-mn dans les abstraits du type šaržumn շարժումն « mouvement », cf. gr. -μα, lat. -men. — Dans ce cas, comme dans celui de dustr դուստր et astł աստղ (prononcés : dústər, ástəł), la syllabe accentuée est suivie d’une syllabe inaccentuée à voyelle ə ը non écrite.

Les occlusives finales sont tombées : eber եբեր « il a porté » répond à skr. ábharat. De même *s finale a disparu dans nombre de cas. Dans quelques formes verbales et nominales, *s finale, qui a dû passer à h, semble représentée par k‘ ք. Le k‘ ք de arm. -mk‘ —մք dans 1ère p. pl. siremk‘ սիրեմք répondrait alors à -s de skr. -maḥ, dor. -μες, lat. -mus ; le -k‘ de la 2e p. pl. sirēk‘ սիրէք répondrait à -s du latin -tis. Le -k‘ du nom. pl. des noms répondrait à un ancien -*s final, ainsi otk* ոտք en face de skr. pâdaḥ, gr. πόδες. Le bk‘ բք de l’instrum. pl. répondrait à skr. -bhiḥ, av. -bīš, lat. -bis. — Mais souvent -*s final s’est amui sans laisser de trace ; ainsi au nom. sing. k’un քուն « sommeil », skr. svápnaḥ (cf. gr. ὕπνος), lat. somnus ; իժ « serpent », skr. áhiḥ, av. ažiš, gr. ὄφις ; gén. sing. hawr