Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/56

Cette page n’a pas encore été corrigée
54


groupes comme *ks : il en avait fait c̣ ց ; ou comme pour ky, il en avait 
fait č̣ չ ; à plus forte raison n’y trouvait-on pas de groupe tel que *kt : il est probable que ce groupe a donné ç ի car çork’ չորք 
« quatre » ne saurait s’expliquer autrement que par *ktwores (*kt- comme dans av. â-xtüirïm « pour la quatrième fois ») ; en partant de *ketwores on ne pourrait aboutir qu’àtpuisque k nese mouille pas en arménien devant e, et que t et à plus forte raison
tw ne semblent pas tomber entre voyelles. Un groupe complexe *rjn
se simplifie en rnt d’ou rn n.%y ainsi barnarn բառնամ « j’enlève »,
cf. l’aoriste barji բարձի « j’ai enlevé » et l’adjectif barjr բարձր« haut ». Les métathèses, au premier abord singulières, des groupes à r finale font partie du grand ensemble des changements qui ont
éliminé tous les groupes de consonnes, sauf ceux à sifflante initiale,
et n’ont laissé subsister que les diphtongues : *subro-, *khitran
étaient impossibles et sont devenus *surbo-, *khirtan, avec des
diphtongues *ur, ir, conformes aux exigences du système syllabique
de l’arménien, d’ou surb սուրբt k’irtn քիրաՆ  » Dans une langue qui n’admet pas les groupes de consonnes, il n’y a pas non plus de
consonnes géminées, et en effet l’arménien n’en possède pas, autrement que dans des mots empruntés, comme vatVar վատթար « pire », ou par suite de chute de voyelle, par exemple kaççes էլ ա ցցես « tu
te tiendras », de *kaçiçes. Ainsi l’arménien, avant les chutes de i et
u, ne possédait, comme le slave ancien, que des syllabes ouvertes ; et c’est là une différence profonde avec l’indo-européen.

L’élimination des groupes de la forme consonne plus nasale s’est peut-être faite par développement de a ա devant nasale ; au
 moins dans le type des verbes à nasale comme harc̣anel հարցանել
 « demander », le a ա a une valeur à part : dans les dialectes où l’accent a reculé d’une syllabe et où par suite a intérieur est conservé, comme celui du Karabagh, le -anel —անել de ces verbes se réduit à -nel —նել, ainsi hərc̣nél de harc̣anel, tesnél de tesanel « voir », etc. On s’explique ainsi que, dans meṙanim մեռանիմ « je 
meurs », on trouve le ṙ ռ usuel devant n et non le r ր usuel devant
 voyelle.

25. — Les actions d’une syllabe sur l’autre se réduisent à peu de chose en arménien. On a déjà noté des dissimilations comme celle de saławart սաղաւարտ « casque » § 20, de ełungn