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il n’y a pas de groupes de consonnes à l’initiale ; une voyelle ə ը est 
prononcée entre les deux consonnes qui se suivent immédiatement
 dans l’écriture ; ainsi un mot tel que գլուխ « tête » n’est pas monosyllabique, il se prononce, suivant les régions, gəlux ou kəlux et vaut deux syllabes ; son pluriel n’a pas la forme en -er -եր des monosyllabes, mais celle en -ner —ներ des polysyllabes, soit գլուխներ. Cette prononciation était déjà celle de l’ancien arménien ; la voyelle ə ը n’est écrite que dans une petite partie des cas où elle existait, à savoir à l’initiale absolue, ainsi ənč̣ič̣ ընչից « des choses » ; mais elle se prononçait toutes les fois qu’il y a groupe initial (ou quand r ր, n ն, m մ, ł ղ, l լ semblent former la voyelle de la syllabe, ainsi srti սրտի « du cœur », lire sorti սըրտի ; lk’i լքի « j’ai laissé »,
lire hk*i serndean սերնգեան « de la postérité », lire serdndean, etc.) ; et la grammaire en témoigne encore : un verbe comme gnal
գնալ « aller », n’est pas traité comme un monosyllabe tel que kal
էլա լ « se tenir », mais comme un polysyllabe ; les monosyllabes ont un augment à la 3mo personne du singulier de l’aoriste : ekaç եկաց « il
s’est tenu » ; or gnaç գնաց « il est allé » n’en a pas ; les monosyllabes conservent le groupe çç gg au subjonctif (futur) : kaççes կացցես » tu te tiendras » ; mais gnasçes գնասցես « tu iras » a le traitement sç ug usuel dans les polysyllabes. Malgré les apparences graphiques, l’arménien n’avait pas de groupes de consonnes à l’initiale ;
grtal գնալ était en réalité gdnal գրնալ dissyllabique. Si le mot commence par sifflante plus occlusive, c’est devant la sifflante que se place 3, ainsi astanal րսաանալ « acquérir », subjonctif aoriste
stasçis սաասցիս, c’est-à-dire, istasçis si *staétait monosyllabique, on aurait *staccis.

Cette prononciation des groupes initiaux, n’a rien de sur
prenant ; en effet, si l’on fait abstraction des groupes qui proviennent de chutes, relativement récentes, de i et u sous l’influence de
l’accent, l’arménien apparaît comme une langue d’où les groupes de consonnes avaient disparu. Les groupes de consonnes apparents y
proviennent en principe de chutes de voyelles, ainsi grel գրել « écrire »
sort de *girel, cf. gir գիր « écriture ». À un certain moment, l’arménien a eu des groupes composés de sifflante plus occlusive, comme st սա dans aruest արուեստ « art » et des diphtongues telles que ay այ, aw unar ար, al ագ, an ան, am ամ, mais il n’avait pas de