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et w ւ, toutes deux issues de i.-e. w, au moins en partie ; en arménien moderne toutes deux notent la spirante labio-dentale v ; mais, 
au moment où l’alphabet a été constitué, elle représentaient deux 
phonèmes distincts, puisqu’il a été créé deux signes : l’ancien alphabet 
arménien n’a pas de doubles emplois. Il est probable que ւ avait 
encore à peu près la valeur du u consonne, car c’est le phonème 
employé dans les diphtongues, notamment dans aw աւ qui devait 
aboutir à o et dans ew եւ qu’on a fini par prononcer dialectalement 
Խ (եօթն de եւթն « sept »). Quand, par suite d’une chute de voyelle, w ւ vient à être en hiatus, il est d’ailleurs noté u ու, patiw պատիւ « honneur », génit. patuoy սլա տուոյ՛, de même aluës աղուէս,
génit. aluesu աղուեսոլ «renard» repose sur *al(u)wes-, cf. gr.
àXatnrjÇ, àXvnExoç] car l ղ ne s’explique que devant w consonne, et
le u qui répond à gr. <« est tombé en syllabe inaccentuée. Au con¬
traire վ, qui est la seule forme employée à l’initiale des mots, devait 
avoir déjà un caractère franchement consonantique ; toutefois
la différence entre վ et լ ne pouvait pas être grande, car l’emploi
de վ après o « et de ւ après les autres voyelles à l’intérieur
et à la fin du mot s’explique par une nécessité graphique : ու ser¬
vant à noter la voyelle simple u, la notation par ու d’un groupe ow
(avec iv consonne) aurait été ambiguë ; l’emploi de վ dans ով a
permis d’éviter cette ambiguité, mais il montre que լ et վ étaient
des phonèmes voisins l’un de l’autre.

À l’initiale, i.-e. *w se ferme en occlusive et aboutit à *gwy
comme en brittonique, d’où g գ, ou devient v վ : g գ dans gitem
դիա եմ «je sais», cf. skr. véda, gr. Foèdaf got. wait ; gorc գործ
«œuvre», cf. gr. Fépyov, [FJàpyavov, v. h. a. werc ; (z-)genum(ղ—)գենում « je m’habille », cf. gr. Fêwopat, Fiaxaiy skr. vaste
 « il s’habille » ; gin գին « prix », skr. vasnâm ; garn գառ.ն «agneau»,
gr. F a.p i] v ; gali գաղտ «en secret», cf. lit. -vilti «tromper» ; garun
 գարուն « printemps », gr. Féap, lat. vër ; get գետ « fleuve », cf. si. 
voda, phr. fcdu « eau » ; gelmn գեղաւ « toison », lat. uellus ; g et uniգելում « je tourne », cf. gr. Felù-oO^ «il s’est tourné», lat. uoluô
egit եգիտ « il a trouvé », skr. âvidat, etc. Mais on a vdans veç
վեց «six», cf. gr. FéÇ et v. pr. uschts « sixième » ; varim վառիմ « je 
brûle », cf. lit. virti « cuire ».

Les deux traitements : *w > g- գ— et *w > v- վ— coexistent