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cheveux), il a peur, il se réjouit », hárṣate « il a une joie intense », ghṛṣúh, « excité », lat. horrēre, et k‘aršem քարշեմ « je tire », cf. skr. kárṣati, av. karsaiti « il tire » (le k‘ ք initial rend peu probable l’hypothèse d’un emprunt à l’iranien) ; de l’autre, moranam մոռանամ « j’oublie », cf. skr. mṛṣyate « il oublie », lit. mir͂šti « oublier » ; oṙk‘ ոռք « derrière », cf. v. h. a. ars, gr. ὄρρος (de *ὄρσος). Peut-être et reposent-ils respectivement sur *-rs et *-rsy (cf. Grammont, M. S. L. XX, p. 214). Après *k, i.-e. *s donne aussi š en indo-iranien et en letto-slave ; au premier abord l’arménien ne laisse rien voir de pareil, car c’est ç ց qui répond à *ks tout comme à *sk : veç Վեց « six », cf. gr. *ϝέξ, lat. sex, etc., et de même aussi au groupe grec ϰτ (correspondant à skr. kṣ dans çin ցին « milan », cf. gr. ἰϰτῖνος, mais ce ç a été anciennement chuintant, car là où devant consonne il perd son caractère mi-occlusif (v. § 14, I), il devient non pas s ս mais š շ : veš-tasan վեշտասան « seize », et là où après r il devient sonore, comme les anciens *ph, th, kh issus de i.-e. *p, t, k (et à la différence du ç ց issu de *sk, type harçanem հարցանեմ « je demande »), il devient non pas j ձ, mais ǰ ջ : arj արջ « ours », cf. gr. ἄρϰτος, skr. ṛkṣaḥ, lat. ursus. Devant arm. s ս, le ց s’est réduit à t‘ թ dans vat‘sun վաթսուն « soixante » ; g est devenu k‘ ք devant s ս dans k’san քսան « vingt », de *gisan, cf. béot. ϝίϰατι, et est tombé entre n et s dans yisun յիսուն « cinquante », de *hingisun, cf. gr. πεντήϰοντα.

Sur *-s en fin de mot, voir § 26.

III. VOYELLES PROPREMENT DITES.

16. — Les voyelles arméniennes sont a ա, e ե, ē է, i ի, o n, u ու et ə ր. La voyelle ə ր est à part ; elle ne figure jamais qu’en syllabe inaccentuée et sert simplement à éviter les groupes de consonnes qui font difficulté en arménien ; elle ne pourra être examinée qu’à propos de la structure de la syllabe (§ 24). La voyelle ē է se distinguait de e ե, non par la quantité, car rien n’indique qu’elle fût longue, mais par le timbre : elle était plus fermée que e ե ; elle est toujours issue d’une ancienne diphtongue et représente un plus ancien *ey.

Les voyelles restantes a ա, e ե, i ի, o n, u ու représentent les voyelles indo-européennes ; elles se distinguent profondément de