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ariwn արիւն « sang », cf. skr. asr̥-k, gr. ἔαρ· αἶμα, etc., représente *esr̥-, d’où *e(h)ar-, *ar-. La chute de h est très ancienne ici, car elle est antérieure à la chute des voyelles finales et à l’altération de la diphtongue indo-européenne eu ou tout au plus contemporaine de celle-ci ; c’est ce que prouve k‘oyr քոյր « sœur » ; en effet ce mot repose sur un ancien *swesôr (cf. skr. svásā, lit. sesũo, lat. soror) où *esō est devenu *ehu, puis, par chute de h, *eu qui a subi le même traitement qu’un *eu de date indo-européenne.

Arm. s ս ne représente i.-e. *s que dans peu de cas :

1. Quand il s’agit de *ss : es ես « tu es », cf. homérique ἐσσι, lat. es (c’est-à-dire ess, car il est souvent compté pour une syllabe longue chez les vieux poètes).

2. Devant *t : sterj ստերջ, cf. § 11 ; devant *kh : sxalim սխալիմ et *ph : sp‘iwṙ սփիւռ, « dispersion », peut-être aussi devant p (cf. § 11).

3. Après nasale (qui tombe) : us ուս « épaule », cf. skr. áṃsaḥ, got. ams ; amis ամիս « mois », cf. lat. mensis.

4. Après *p (qui tombe), si l’on admet les étymologies : sut սուտ « faux », cf. gr. ψεύδος « mensonge », et eres երես « visage », de *prep-s-, cf. erewim երեւիմ « je parais », en face de gr. πρέπω (v. § 11) ; alors ep‘em եփեմ « je cuis » ne serait pas à rapprocher immédiatement de gr. ἕψω « je cuis », son p‘ փ reposerait sur *ph et le ψ de gr. ἕψω résulterait d’un élargissement de type connu.

Le *z indo-européen devrait subsister devant les anciennes sonores aspirées qui restent sonores en arménien, mais les exemples font défaut ; on sait seulement, par skizbn սկիզբն « commencement » en regard de sksanim սկսանիմ « je commence », que arm. s devient z devant occlusive sonore. Devant les sonores simples devenues sourdes, *z est naturellement devenu s ս : nist նիստ « siège », cf. skr. nīḍáḥ (de *nizdas), « siège », lat. nīdus (de *nizdos), v. h. a. nest ; ost ոստ « branche » ; gr. ὄδος, all. ast.

Après *r, *s est représenté par la chuintante i comme en indo-iranien et en balto-slave, d’où un groupe րշ qui subsiste ou qui peut se réduire à ռ, ainsi t‘aršamim թարչամիմ et t‘aṙamim թառամիմ « je me flétris », cf. gr. τέρσομαι « je deviens sec », got. Þaursus « sec », skr. tr̥ṣyati « il a soif » ; de même, d’une part garšim գարշիմ » j’ai horreur de… », cf. skr. hr̥ṣyati « il se dresse (en parlant des