Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
13


Tel phonème qui, comme le č ճ, n’existe que par exception dans un mot original, n’est pas rare, simplement parce qu’il se rencontre dans beaucoup de mots empruntés au pahlavīk ; il a été emprunté assez de mots de même forme pour donner naissance à des suffixes, ainsi le suffixe -akan —ական de mots comme vačaṙakan վաճառական « marchand », de vačaṙ վաճառ « marché ». Des locutions même comme p‘oł harkanel փող հարկանել « jouer de la trompette », littéralement « battre de la trompette », sont visiblement calquées sur les locutions iraniennes correspondantes : ici harkanel հարկանել est la traduction d’un ancien pehlevi ǰatan (persan zadan). — En revanche la grammaire arménienne paraît être restée à peu près indemne d’influence iranienne.

Les mots syriaques et grecs que renferme aussi l’arménien proviennent presque tous d’emprunts ecclésiastiques et savants, et, malgré leur nombre, n’ont que peu d’importance linguistique (sur les emprunts de l’arménien au grec, voir le travail de Thumb, Byzantinische Zeitschrift IX, 388 et suiv., et Schwyzer, Griechische Grammatik I, 1934, p. 163 sq.). Mais nombre de mots grecs sont entrés en arménien d’une manière indirecte parce que le pehlevi les avait empruntés ; ainsi kałapar կաղապար « modèle, moule » et łambar ղամբար « lampe, flambeau » sont entrés en arménien par la voie du pehlevi. (A. Meillet, De l’influence parthe sur la langue arménienne, Rev. des études arm., t. I, fasc. 1, 1920, p. 10-12 : Les premiers emprunts de l’arménien au grec.)

3. — L’alphabet arménien, qui est parfaitement adapté à la langue et qui a un caractère rigoureusement phonétique, est rangé dans l’ordre de l’alphabet grec ; mais de nombreux signes nouveaux y sont intercalés pour rendre des phonèmes inconnus au grec. En voici le tableau, avec en regard les lettres grecques correspondantes, la transcription adoptée ici et les valeurs numériques ; la transcription est celle de Hübschmann, sauf ceci que յ est toujours transcrit par y, ւ par w et վ par v, tandis que Hübschmann transcrivait այ par ai, աւ par au, վ et ւ consonne par v sans distinction ; de plus les aspirées փ, թ, ք sont rendues par p‘, t‘, k‘ qui ont l’avantage d’indiquer la prononciation. (Sur l’histoire de l’alphabet, voir Paul Peeters, Pour l’histoire des origines de l’alphabet arménien. Rev. des études arm., 1929, p. 203-237.)