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qiman « venir », lat. ueniô, etc. Enfin le subjonctif ekiç եկից, ekesçes եկեսցես (avec augment généralisé) est énigmatique.

ert‘am երթամ « je vais » ; est à rapprocher de gr. ἔρχομαι : ἔρ-χο-μαι (erchomai : er-cho-mai) de *ser-kho-, er-t‘-a-m եր–թ–ա–մ de *ser-the / o- (voir M. S. L. XXIII, p. 249-258) ; l’indicatif aoriste est č̣ogay չոգայ qu’on ne peut séparer de č̣u չու « départ », v. § 23 ; mais les autres formes de l’aoriste sont tirées de la racine de ert‘am երթամ : impératif ert‘ երթ « va », subjonctif ert‘ayç երթայց, ert‘içes երթիցես, participe ertleal երթեալ « étant allé ».

unim ունիմ « je prends, j’ai », aoriste kalay կալայ (impératif kal կալ « prends, aie »), le second sans étymologie certaine (Pedersen, K-Z. XXXVIII, p. 203) ; sur unim, cf. § 21 ; l’albanais oppose de même kam « j’ai » à patše « j’ai eu ».

Les quelques formes isolées : gog գոգ « dis », gogçes գոգցես « tu peux dire », gogçē գոգցէ « il peut dire », sans doute de la racine *wegwh- de lat. uoueō, skr. vāghát- « priant » (cf. gâthique aogədā « il a dit », de l’indo-iranien *augh-) sont sans doute des restes d’un aoriste de « dire » dont le présent n’existe pas. On sait que les verbes signifiant « dire » sont de ceux qui ont le plus souvent des racines diverses dans leur conjugaison : att. λέγω, ἐρῶ, εἰπον (legô, erô, eipon).

Enfin tesanem տեսանեմ « je vois », aor. tesi տեսի « j’ai vu », suppose une contamination des racines *derk’- et *spek’-, dont l’une fournit l’aoriste védique ádarçam « j’ai vu » (cf. gr. ἔδραϰον (edrakon)), en regard du présent skr. páçyati « il voit » (cf. lat. speciō, a-spiciō, etc.). Il est probable que, ici encore, l’arménien a eu l’alternance d’un présent, tiré de *spek‘-, soit *hesanem (?), et d’un aoriste anciennement athématique, tiré de *derk‘-, soit *tersi, et que les deux, combinés, ont abouti à un élément radical arm. tes- տես–.