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Toutefois, dans un cas où, par une exception presque unique, certains dialectes ont une forme sans doute plus ancienne que la forme classique, lizu լիզու « langue » en regard du classique lezu լեզու (voir § 25), les parlers actuels de la plaine d’Ararat ont lizu tandis que ceux des environs du lac de Van ont la forme classique lezu ; or, d’autre part, par une coïncidence qui n’est sans doute pas fortuite, c’est aussi dans les parlers des régions voisines du lac de Van qu’est conservé l’emploi de z զ devant l’accusatif qui joue un si grand rôle en arménien classique (voir § 63), mais qui n’apparaît pas dans la plupart des parlers modernes.

2. — Sur le développement de la langue dans le long espace de temps compris entre la période indo-européenne et la fixation de l’arménien classique par l’écriture, on ne possède aucun renseignement. Les inscriptions vanniques cunéiformes sont rédigées en un idiome différent de l’arménien et dont on trouvera une description chez J. Friedrich, Einführung ins Urartäische, 1933. Jensen avait proposé un déchiffrement des inscriptions hittites qui tendait à y faire reconnaître de l’arménien (voir son livre : Hittiter und Armenier, Strasbourg 1898), mais les formes arméniennes indiquées étaient ou invraisemblables ou dénuées d’intérêt linguistique. Le hittite est maintenant déchiffré. Il ne présente avec l’arménien aucun rapport particulier.

D’après quelques témoignages d’historiens grecs, les Arméniens seraient des colons phrygiens ; les Phrygiens eux-mêmes seraient d’origine thrace, ce que l’onomastique et quelques indices archéologiques tendent en effet à confirmer (voir P. Kretschmer, Einleitung in die Geschichte der griechischen Sprache, p. 171 et suiv.). Dans son étude sur Le berceau des Arméniens (Rev. ét. arm., VIII, 1928, p. 211 s.), J. Markwart a situé leur premier habitat au nord de la Thessalie, dans le voisinage des Athamaniens et des Illyriens, au sud des Phrygiens. Mais le peu qu’on sait du thrace ne permet pas de confirmer linguistiquement cette théorie. En revanche, la langue des inscriptions néo-phrygiennes (qu’on trouvera commodément réunies dans le livre de Johannes Friedrich, Kleinasiatische Sprachdenkmäler, Berlin 1932, p. 128 ss.) présente avec l’arménien quelques rapports notables, qu’on a signalés ci-dessous (§§ 8, 56, 95), mais portant sur un très petit nombre de faits.