Page:Meillet - Esquisse d'une grammaire comparée de l'arménien classique (1936).djvu/126

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124

*eber. Cette forme sans désinence a en effet subsisté, mais seulement à la 3me personne active : eber երեր « il a porté », gorceaç գործեաց « il a fait », etc.

Celles des troisièmes personnes ainsi obtenues qui auraient été monosyllabiques ont conservé l’augment, ainsi : e-ber ե-բեր = skr. á-bharat, gr. ἔ-φερε (e-phere) ; e-lik‘ ե–լիք « il a laissé » = gr. ἔ-λιπε (e-lipe) ; e-harç ե–հարց « il a demandé » = skr. á–pr̥cchat ; ekac ե–կաց « il s’est tenu », etc. Celles au contraire qui devaient rester polysyllabiques n’ont pas d’augment, ainsi gorceaç գործեաց « il a fait », mnaç մնաց « il est resté », etc. L’arménien a tiré ici un parti original du fait que l’augment ne faisait pas partie intégrante de la forme verbale : dans la langue védique et dans la langue homérique, on trouve en effet les mêmes formes avec ou sans augment, sans que le sens change pour cela : véd. bháram et ábharam, homér. φέρον (pheron) et ἔφερον (epheron) signifient également « je portais » ; les langues autres que l’indo-iranien, le grec et l’arménien, ignorent l’augment. — De ce que l’augment sert seulement à donner plus de corps aux formes trop brèves, il résulte que l’on ne saurait s’attendre à trouver trace d’augment dans les verbes à initiale vocalique ; l’aoriste de acem ածեմ est ac ած « il a conduit », qui pourrait répondre soit à védique ájat, homér. ἄγε (age), soit à skr. ájat, dorien ἆγε (age) puisque arm. a ա représente i.-e. et  ; mais elanem ելանեմ « je monte » fait el ել « il est monté », e ե représentant e bref et non ē. — Les verbes commençant par a reçoivent parfois l’augment e-, ainsi eac écrit էած ēac « il a conduit » ; c’est une innovation postérieure à l’époque classique et le texte de l’Évangile notamment, le seul attesté par plusieurs manuscrits des IXe et Xe siècles, en est indemne.

Au moyen, une désinence -w est ajoutée au -a- –ա– caractéristique : bera-w բերա-ւ « il a été porté », gorceça-w գործեցա–ւ « il a été fait », de même dans l’aoriste anomal ełe-w եղե–ւ « il est devenu ». Ce -w –u représente une forme indo-européenne du type le plus archaïque, qui apparaît en védique au parfait et dont il y a trace en latin, en tokharien et sans doute dans certaines formes hittites. (Voir A. Meillet, Rev. Ét. arm., t. X, 1930, p. 183.)

94. — La première personne du singulier a reçu une désinence -i d’origine inconnue, qui apparaît comme voyelle -i –ի après consonne, donc dans tous les aoristes actifs, et comme second élément