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La limitation de l’impératif présent à l’emploi prohibitif et de l’impératif aoriste à l’emploi positif a un parallèle dans une règle du grec : l’impératif présent admet à la fois la valeur positive et la valeur prohibitive : λεῖπε (leipe) « laisse », μὴ λεῖπε (leipe) « ne laisse pas » ; mais l’impératif aoriste admet seulement la valeur positive : λίπε (leipe) « laisse » ; l’arménien est allé plus loin que le grec en réservant le sens positif à l’aoriste. On conçoit d’ailleurs que l’on donne un ordre positif par le thème d’aoriste qui indique l’action menée à son terme, et que l’on signifie une défense par le thème de présent qui indique la durée ; le slave a d’ordinaire le perfectif pour les ordres positifs, l’imperfectif pour la prohibition : ne nosi « ne porte pas », ponesi « porte ». Sur le détail des emplois, voir G. Cuendet, L’impératif dans le texte grec et dans les versions gotique, arménienne et vieux-slave des Évangiles, 1924.

89. — Les formes d’impératif précitées sont claires : d’autres sont plus obscures. Il suffira de signaler la 2me personne du singulier de l’impératif aoriste moyen en -ir –իր ainsi ankir անկիր « tombe » de ankay անկայ « je suis tombé », ou simplement en r ր, ainsi lur լուր « entends » de luay լուայ « j’ai entendu », forme probablement bâtie sur le thème d’aoriste en -i ; et la 2me personne du pluriel correspondante en -aruk‘ –արուք, ankaruk’ անկարուք « tombez », luaruk* լուարուք « entendez », t‘ak‘eruk‘ թաքերուք « cachez-vous » (de t‘ak‘eay թաքեայ), etc., identique à la finale de 2me plur. de l’indicatif aoriste (v. § 94).

Un –g final disparaît à la 2me personne du singulier de tout aoriste non monosyllabique, ainsi ; gorcea գործեա « fais », impératif aoriste, cf. gorceaç գործեաց « il a fait » ; mna մնա « reste », cf. mnaç մնաց « il est resté », haso հասո’ « fais arriver », cf. hasoyç հասոյց « il a fait arriver » ; mais kaç կա՛ց « tiens-toi », cf. ekaç եկաց « il s’est tenu », liç լից « emplis », cf. eliç ելից « il a empli », etc.

Il y a un impératif 2me personne du singulier en -ǰir –շիր, 2me plur. -ǰik‘ –շիք (anciens *-iǰir, *-iǰik‘) qui est surtout employé à l’aoriste moyen, mais qui se trouve aussi à l’actif et au présent ; ainsi hayesǰir հայեսշիր « regarde » de hayeçay հայեցայ « j’ai regardé » ; kalǰik‘ կալջիք « tenez » de kalay կալայ « j’ai tenu, j’ai eu », asasǰik‘ ասասջիք « dites » de asaçi ասացի « j’ai dit » ; aga-