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à rapprocher de lit. pinù « je tresse » et surtout de got. spinnan «  filer », de *spenwe- ; hełum հեղում « je verse » (aor. hełi հեղի) s’il est à rapprocher de lit. pilù « je verse », mais cf. plus bas, β ; le -u- –ու– de çelum ցելում « je fends » n’a pas de correspondant connu en dehors de l’arménien, à moins qu’on ne rapproche gr. ϰολούω (kolouô) « je mutile ».

Il y a quelques dénominatifs en -u- –ու– : argelum արգելում « j’empêche » (aor. argeli արգելի), de argel արգել « empêchement » ; y-awelum յաւելում « j’accrois » (aor. yaweli յաւելի), de aweli աւելի « plus ». On peut les expliquer soit par *-ō-ye-, cf. le type lituanien en -ů-ju et les verbes grecs tels que δηλόω, δηλώσω (dêloô, dêlôsô) : soit par *-u-ye, cf. le type latin de statuō, etc.

(β) Présent à nasale.

Les verbes en *-neu-, *-nu- n’existaient originairement que dans les racines terminées par -u-, ou, au moins, comportant un élargissement mais de bonne heure il en a été tiré un suffixe *-neu-, qui joue un grand rôle en sanskrit et en grec ; l’arménien a de même des verbes en -nu- –նու–, ainsi :

aṙnum առնում « je prends » (aor. aṙi առի), cf. gr. ἄρνυμαι (arnumai) (aor. ἠρόμην (êromên)) ;

z-genum զ-գենում « je m’habille » (aor. զգեցայ), cf. gr. ϝέννυμαι.

hełum հեղում « je verse » (et z-ełum զ–եղում « je fais couler »), de *pel-nu-mi, cf. lit. pil-ti (M. S. Լ. XIX, p. 178), cf. § 21.

L’arménien a même -nu- –նու– là où *-nā- existait autrefois : lnum լնում « j’emplis » (aor. lçi լցի, 3me pers. eliç ելից), cf. skr. pr̥ṇáti « il emplit ». Sur la dualité -č̣im –չիմ | -num –նում cf. § 79 fin.

81. bis. — De ce qui précède il résulte que tous les thèmes arméniens de présents normaux ou anomaux sont terminés par l’une des voyelles e ե, i ի, a ա, u ու. Un seul verbe reste en dehors de ce système, c’est gom գոմ « je suis » dont le thème est terminé par o : c’est un ancien parfait sans redoublement correspondant à got. was « j’ai été » et où le sens du parfait a abouti au sens du présent ; le cas est le même que dans gitem գիտեմ « je sais » (passé au type en -e- –ե–) qui répond à skr. véda, gr. ϝοῖδα (woida), got. wait « je sais ».