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neur de me prendre pour son photographe ordinaire… « J’espère, m’a-t-elle dit, j’espère, monsieur Edgar, que je vous en fais gagner, de cet argent, avec mon portrait !… Je me vends bien, n’est-ce pas ?… Jusque-là le quiproquo n’avait rien de très intéressant, mais à minuit, au moment où j’allais partir, nous apercevons une femme… oh ! mais une femme, avec des épaules… de ces épaules qui font dire : « Voilà une personne chez qui il me serait fort agréable d’aller prendre une tasse de thé… » Et quel sourire !… « Est-ce que tu la connais ? dis-je à Robert. — Parfaitement ! C’est une Viennoise… la baronne de Gourdakirsch… femme d’un colonel honoraire au service de l’électeur de Birkenfeld… Veux-tu que je te présente ?… — Volontiers… » Alors Robert… voilà où le farceur se révèle !… alors Robert… me pousse en avant et dit : « Madame la baronne, permettez moi de vous présenter monsieur Edgar, photographe. Là-dessus, il se campe, attendant son effet ; moi, je ne bronche pas et je m’incline. Une idée assez folâtre venait de germer dans mon esprit… Je soupçonne violemment le baron de Gourdakirsch, le colonel honoraire… (Il va prendre un cadre pour l’accrocher et commence à monter sur le marchepied.) je le soupçonne violemment d’aller, lui aussi, prendre de temps en temps une tasse de thé chez Mélella… On fait une grande consommation de thé, chez Métella… (Revenant sur le devant de la scène.) Il y est excellent, d’ailleurs !… (Il retourne à son marchepied, monte un échelon de temps à autre et, à la fin du monologue, se trouve en haut.) J’entrevis je ne sais quelle lointaine espérance d’une revanche ; je résolus de pousser jusqu’au bout la plaisanterie de ce farceur de Robert, et, puisqu’il lui avait plu de m’improviser photographe, de rester photographe… Je savais à quoi cela m’obligeait : il fallait être brillant, spirituel, original… Je le fus… Je parlai de mes voyages, de